Congrès UNESCO : Dernières observations sur l'investissement dans la petite enfance
Un acte de solidarité contre les inégalités
Par Josanne McCook et Marion Charpentier
Le mois dernier, l’association ‘Ensemble pour la Petite Enfance’ a participé au congrès international des neurosciences sur l’éducation des jeunes enfants. Cet événement représente un véritable exemple de solidarité, nécessaire pour construire une société propice au développement harmonieux de chacun des enfants.
A découvrir : les dernières observations sur l’investissement dans l’éducation et les soins de la petite enfance soutenus par les connaissances
A retenir : L’attachement et la qualité du lien sont la base pour le développement harmonieux de l’enfant. La garantie d’une qualité de soins pour tous les enfants est conditionnée à un faible ratio d’enfants par adultes. neuroscientifiques.
A ce jour, malgré les bénéfices reconnus, l’accès à l’éducation de la petite enfance reste très inégal entre les pays à revenu élevé (89% des enfants) et les pays à faible revenu (35% des enfants). La Déclaration de Tachkent de 2022 appelle les gouvernements à allouer au moins 10% de leurs budgets éducatifs à l’éducation et aux soins de la petite enfance.
Pourtant, la formation de professionnels et l’accompagnement des parents représentent toujours une faible attention. Les dernières statistiques démontrent un manque de connaissance perdurant sur l’importance de l’interaction qualitative entre adultes et enfants pour prévenir les inégalités en matière du développement de langage et des compétences sociales, cognitives et émotionnelles.
D’après une étude de Hart and Risley, à l’âge de quatre ans, les enfants issus de familles favorisées connaissent 30 millions de mots de plus que ceux issus de familles défavorisées, un écart qui affecte fortement les performances académiques futures.
Les inégalités de développement et d’apprentissage sont influencées par les différences de sécurité affective et de qualité des environnements dans lesquels les enfants grandissent.
Le congrès a permis de sensibiliser les acteurs à l’importance de mieux comprendre comment les expériences précoces, liées à ces environnements, impactent le développement cérébral et cognitif des enfants, ainsi qu’à identifier les innovations qui peuvent contribuer à atténuer ces inégalités.
Dans cet article, nous vous la résume en 3 thèmes clés :
Comment les fonctions exécutives soutiennent-elles le développement des compétences psychosociales ?
Un apprentissage clé à retenir de la conférence est que les fonctions exécutives jouent un rôle fondamental dans le développement global de l’enfant.
Comprenant l’attention, l’inhibition, la mémoire de travail, la flexibilité mentale et la planification, ces compétences cognitives constituent la base de tout apprentissage et influencent considérablement la réussite scolaire, professionnelle et sociale future de l’enfant.
Les recherches récentes soulignent la dynamique d’alimentation réciproque des fonctions exécutives et des compétences psychosociales. Si on connaît déjà plutôt bien l’influence des CPS sur le développement des fonctions exécutives, il a été affirmé que ces dernières fournissent en retour les outils cognitifs nécessaires pour développer et utiliser efficacement les compétences psychosociales. Tout simplement, elles permettent : une meilleure régulation émotionnelle et comportementale ; une amélioration des compétences sociales notamment via le langage et le développement de l’empathie ; de soutenir à la résolution de problèmes ; et de renforcer la conscience de soi.
Elles constituent ainsi un socle essentiel pour l’adaptation sociale et émotionnelle de l’enfant, soulignant l’importance de leur stimulation dès le plus jeune âge via des expériences qualitatives.
Envie d’en savoir plus ? Découvez notre video sur les fonctions éxecutives !
Les expériences sont-elles plus importantes que la génétique ?
Bien que les gènes fournissent le plan de base pour l’apprentissage des fonctions exécutives, leur développement dépend largement de l’expérience et de la pratique. Plusieurs experts, notamment Dr. Charles Nelson et Dr. Edward Melhuish, ont souligné l’importance des expériences qualitatives dans la vie du jeune enfant.
Le développement du cerveau est influencé par l’environnement et les expériences négatives, telles que la négligence ou l’exposition à des environnements toxiques, peuvent avoir des effets durables sur le développement cognitif et émotionnel des enfants. Ces impacts sont souvent visibles dès l’âge de quatre mois, notamment chez les enfants issus de familles à faible statut socio-économique, avec des différences dans les zones cérébrales liées à la régulation émotionnelle, la mémoire et à l’apprentissage du langage.
Entre 3 et 6 ans, une éducation de qualité est cruciale pour renforcer les fonctions exécutives et atténuer les inégalités. Cette tranche d’âge représente en effet une période sensible dans la vie de l’enfant. Pendant cette période, le cerveau est particulièrement réceptif aux expériences, surtout pour le développement du langage et de l’autorégulation.
Personne ne naît avec des fonctions exécutives pleinement développées, mais presque tout le monde peut les apprendre avec un environnement approprié.
Les routines quotidiennes structurées et les jeux favorisant l’imagination et le respect des règles, peuvent protéger et stimuler le développement des fonctions exécutives, surtout dans le cadre d’une relation adulte-enfant sécurisante et positive.
Quelle est l’importance de l'interaction dans le développement de l’enfant ?
Les interactions sociales, en particulier avec des adultes attentionnés, sont particulièrement importantes, dès les premiers stades du développement. Un soutien des adultes est nécessaire pour guider le développement des compétences exécutives jusqu’à ce que l’enfant puisse les exécuter de manière autonome.
Si vous souhaitez en savoir plus sur l’importance de l’attachement, découvrez notre interview du Dr Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et expert, sur le développement de l’attachement chez le jeune enfant !
Les interactions via des expériences de haute qualité avec l’enfant renforcent les connexions neuronales, particulièrement dans le cortex préfrontal, siège des fonctions exécutives, permettant à l’enfant de construire ses schémas cognitifs à travers l’intériorisation des séquences interactives. Elles aident également à la régulation du cycle de production de cortisol et de l’axe HPA (un système neuroendocrinien complexe et régulé qui joue un rôle central dans la réponse de l’organisme au stress), essentiels pour une gestion adéquate des émotions.
Les enfants ayant des relations solides avec leurs parents gèrent mieux les situations stressantes, même s’ils sont génétiquement prédisposés au stress
Les neurosciences ont mis en lumière deux mécanismes spécifiques en fonction du stade de développement de l’enfant.
- Les interactions dites « service-retour » renforcent les connexions neurales chez le nourrisson, contribuant au développement des relations et des aptitudes communicationnelles
- Et les neurones miroirs, qui se développent dès 3 mois, permettent à l’enfant d’acquérir la permanence de l’objet, le dialogue intérieur et la régulation socio-émotionnelle.
En conclusion, les neurosciences démontrent que des interactions positives, empathiques et constantes entre l’adulte et l’enfant sont essentielles pour un développement cérébral optimal, favorisant l’acquisition de compétences cognitives, émotionnelles et sociales cruciales pour l’avenir de l’enfant.
Et quelles astuces pour les professionnels ?
- Priorisez le bien-être émotionnel : Prenez soin de votre propre santé sociale et émotionnelle pour être un bon modèle.
- Misez sur l’apprentissage actif : Organisez des activités en petits groupes pour que les enfants puissent participer activement plutôt que de rester assis à écouter.
- Favorisez l’autonomie : Proposez des jouets et des activités qui encouragent les enfants à explorer et à prendre des initiatives. Laissez les enfants essayer, faire des erreurs et apprendre par eux-mêmes.
- Créez un sentiment d’appartenance : Encouragez les interactions sociales et aidez les enfants à se faire des amis.
Pour conclure, afin de favoriser le développement optimal des enfants, il est essentiel de former les parents et les professionnels de la petite enfance aux compétences d’interaction et à l’apprentissage actif car cela stimule l’autonomie et l’engagement des tout-petits. Il est également crucial d’uniformiser les ressources allouées à l’éducation de qualité sur l’ensemble des territoires, afin de réduire les inégalités de naissance.Cela se traduit notamment par la veille à un bon ratio entre enfants et professionnels qualifiés, créant ainsi un environnement d’accueil stimulant et dynamique, essentiel pour l’épanouissement des jeunes enfants.
Agissons ensemble pour construire un avenir meilleur pour chaque enfant.