L'impact des VEO à l'âge adulte
Tout d’abord, commençons par une définition… Qu’est-ce qu’une VEO ?
La Violence Éducative Ordinaire (plus souvent nommée « VEO »), est la violence (physique, psychologique ou verbale) utilisée envers les enfants à titre éducatif (corrections, punitions) communément admise et tolérée (« ordinaire »). Plus simplement : claque, fessée, tape mais aussi humiliation, chantage affectif et autres (définition extraite du site https://stopveo.org/index.php/la-violence-educative-ordinaire/).
En 2004, création de la Journée de la Non Violence Educative par Catherine Dumonteil-Kremer, membre fondateur de l’OVEO (Observatoire de la Violence Educative Ordinaire : https://www.oveo.org/) et célébrée chaque année le 30 avril.
Le 3 juillet 2019, il y a donc moins d’un an, le Sénat adopte en deuxième lecture la proposition de loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires. La France devient ainsi le 56ème pays abolitionniste bien après l’Allemagne en 2000, l’Espagne en 2007, et surtout la Suède en 1979 !
Quel est l’impact des VEO sur le développement du cerveau de l’enfant ?
Le cerveau est composé de 3 grandes parties :
- Le cerveau archaïque (ou reptilien) d’où émergent nos besoins vitaux (se nourrir, boire, dormir, respirer, etc.)
- Le cerveau limbique composé notamment de l’hippocampe et de l’amygdale où se situe le siège des émotions
- Le cortex préfrontal, situé à l’avant du crâne, qui nous permet de nous raisonner, de réfléchir, d’anticiper, de réguler nos émotions
Grâce aux neurosciences, on sait aujourd’hui que l’enfant nait avec un cerveau immature, plus précisément au niveau de son cortex préfrontal. Il est donc dans l’incapacité d’anticiper et de se raisonner. En cas d’émotion forte ou de stress intense, l’adulte doit être présent pour l’aider à se réguler (cf live « Emotions » Delphine).
La formation des connexions neuronales
Le cerveau de l’enfant produit des milliards de neurones qui se connectent entre eux et créés des connexions neuronales. Une grande spécificité du cerveau est qu’il est plastique et malléable tout au long de notre vie, c’est-à-dire que chaque fois que nous nous remémorons et/ou apprenons quelque chose, nous modifions nos circuits neuronaux et les rendons plus efficaces. Plus nous activons des circuits spécifiques à une tâche particulière, plus nous renforçons les connexions et améliorons nos performances. Certaines connexions disparaissent et d’autres perdurent dans le temps en fonction des apprentissages.
Quand l’enfant fait face à des situations inhabituelles, comme des VEO, cela génère du stress et de la production de cortisol chez lui. Quand les violences éducatives se répètent, l’enfant se retrouve en situation de stress prolongé.
Que se passe-t-il lorsque l’enfant subit un stress prolongé ?
Lorsque l’enfant est stressé, de manière prolongée et récurrente, son amygdale se met à produire des hormones, dont l’une appelée cortisol, connue aussi sous le nom d’ « hormone du stress ». Cette hormone toxique empêche la formation de nouvelles connexions neuronales et impacte donc le développement du cerveau du jeune enfant. A terme, une surexposition au stress prédispose au développement de maladies chroniques ou auto-immunes type diabète, sclérose en plaque, polyarthrite rhumatoïde, etc.
Je rencontre Vanéssa vers l’âge de 3 ans, en maternelle. Nous avons grandi ensemble et sommes restées proches à l’âge adulte malgré les aléas de la vie.
Vanéssa devient Psychologue clinicienne, elle est passionnée par son métier, par la vie et le monde qui l’entoure.
En 2017, elle m’annonce qu’elle est atteinte d’une forme de cancer très lent à se développer et surtout très rare car il toucherait principalement les hommes de plus de 50 ans. « On ne meurt pas de cette maladie » me dit-elle. Elle a 32 ans. Des plaques urticantes apparaissent sur tout son corps et la contraignent beaucoup. Elle tente divers essais cliniques qui ne fonctionnent pas vraiment mais qu’importe, elle garde espoir.
Fin 2018, les choses s’accélèrent. La maladie prend de l’ampleur, Vanéssa enchaîne les séances de chimio et les hospitalisations. Elle subit une greffe de moelle osseuse et perd la totalité de son immunité. Séjour à hôpital de plusieurs mois et apparition de la GVH (les cellules du donneur s’attaquent aux cellules du receveur). Retour à l’hôpital, 1 mois, 2 mois, 3 mois… on ne compte même plus. Cette chambre devient sa maison.
On a la permission exceptionnelle de fêter ses 35 ans dans sa chambre, avec ses amies les plus proches alors que les visites sont limitées à deux par chambre. On met la musique, on danse, on profite. Nous sommes « sa famille », c’est comme cela qu’elle nous appelle.
Puis les mois passent, la GVH reste… Mais elle a l’autorisation de rentrer chez elle. Elle est seule, ne peut pas trop recevoir de visites car elle est toujours immunodéprimée.
Puis, le 17 mars 2020, le confinement de la population est déclaré à cause du Covid-19.
Elle se retrouve seule avec la visite de ses parents une fois par semaine. Personne ne prend le risque de venir la voir parce qu’elle n’aurait pas les moyens de se battre contre ce virus.
On envoie des messages, on appelle. On se dit que ce sera super chouette la fin du confinement. On va pouvoir se revoir et partager de nouveau des soirées dingues à papoter et rire.
Mais ce 23 avril, tout s’accélère. Les douleurs s’intensifient, elle est de nouveau hospitalisée, elle décèdera 2 jours plus tard.
Pourquoi je vous raconte cette histoire ? Quel lien avec les VEO ?
Mon amie, la crème des crèmes, une personne humaine qui aimait profondément la vie a subie des VEO à répétition durant son enfance. Des VEO physiques violentes qui ont persisté à l’âge adulte sous forme de violences psychologiques.
Toute cette violence subie durant sa plus tendre enfance et qui a continué tout au long de sa vie a indubitablement eu un impact sur elle et sur son combat contre la maladie. Son corps était clairement affaibli par des années de souffrance. Comme expliqué plus haut, le cortisol diminue les défenses immunitaires et peut être un facteur favorisant l’apparition de telles maladies.
Vanéssa avait connaissance de tout cela, de l’impact des VEO et leurs effets délétères sur le développement de l’enfant. Elle a découvert Alice Miller après ses études et cela a été une révélation lorsqu’elle a lu « C’est pour ton bien – Racines de la violence dans l’éducation de l’enfant », c’était devenu son livre préféré.
Vanéssa est décédée ce samedi 25 avril 2020, le mois de la JNVEO (Journée de la Non Violence Educative Ordinaire). Il n’y a pas de hasard dans la vie…
Alors, aujourd’hui, quand j’entends « moi j’ai reçu des râclées quand j’étais petit(e) et je n’en suis pas mort(e) », cela me déchire les entrailles. Je ne veux plus entendre cela.
Tous ENSEMBLE, prenons conscience de l’impact des VEO sur le développement de l’enfant et agissons en faveur de la bienveillance éducative.
A toi Vanéssa, ma chère amie.
Pour aller plus loin :
- https://stopveo.org/
- https://www.oveo.org/
- TedX « Et si on changeait de regard sur l’enfant » – Catherine Guéguen : https://www.youtube.com/watch?time_continue=1&v=_8Hia3KRUww&feature=emb_logo
- Alice Miller « C’est pour ton bien »